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Accompagnement, médiation et altérités : de l’inclusion prescrite à l’inclusion réelle

Quels apports, bénéfices, limites et freins pour les élèves et étudiant-e-s malades ou en situation de handicap ?

Le concept d’inclusion tend à remplacer dans le langage public, scientifique et politique d’autres notions historiquement fondamentales comme celles d’intégration et d’insertion. En effet, l’inclusion est un des objectifs promus par plusieurs textes majeurs comme la déclaration de Salamanque (1994), la charte du Luxembourg (1996) et certains indicateurs retenus par l’Union Européenne dans le cadre de l’agenda de Lisbonne (2002). Ce concept, aux acceptions plurielles se pose en figure de proue de bon nombre de préconisations, d’injonctions sociales et d’enjeux individuels, professionnels et institutionnels (scolaire et universitaire par exemple). Ces éléments se déclinent de manière patente dans le contexte français en irriguant la loi du 19 février 2005, dite loi handicap. La consécration de ce concept est le résultat d’une mobilisation conjointe d’ « acteurs du monde associatif et [de] chercheurs autour d’un modèle social du handicap refusant l’exclusion des personnes qui présentent une déficience au profit de leur acceptation dans leur différence » (Ebersold, 2009, p. 71). Mobilisé un peu partout, on peut dire que ce concept est d’une grande actualité. Pour autant, les récentes études réalisées dans le champ du handicap mettent en évidence que malgré des améliorations concrètes au niveau des effectifs accueillis, le regard (politique, social et scientifique) sur le handicap n’évolue pas à la hauteur des espérances. Alors que l’inclusion devrait permettre d’aller vers une conception du handicap comme produit de la rencontre entre un environnement et les singularités d’une personne, les représentations du handicap demeurent toujours centrées autour d’une conception biomédicale de la déficience, faisant écho au dualisme d’antan. Aussi, pouvons-nous nous appuyer sur la définition de Luhmann (1984) qui se caractérise justement par les rapports entre les individus et les systèmes sociaux. Or dans ce jeu interactionnel entre les systèmes et les acteurs se façonnent les règles du « je » et du « jeu » social. Autrement dit, les analyses récentes sur la question (notamment Bodin, 2016) mettent en évidence que le handicap est avant tout une catégorie, résultat de la rencontre entre une définition de soi et un ensemble d’attendus institutionnels. La conséquence de cette situation est que certains besoins effectifs ne sont pas catégorisés comme tels et ne trouvent pas de reconnaissance, c’est notamment le cas en matière de maladie grave chronicisée. Dans ce contexte, pourtant voulu et promu comme inclusif, le travail d’accompagnement est souvent délégué et réalisé par celles et ceux que l’on nomme « les aidants naturels », c’est-à-dire les familles. Or, de nombreux travaux montrent l’ambivalence de ces postures d’accompagnement qui gagnent à être appréhendées comme un véritable travail.

Aller vers une société inclusive suppose des mutations majeures, et dans de nombreux secteurs. Le propos de ce colloque se concentrera davantage sur une échelle micro et méso-sociale, au plus près des interactions entre individus ou entre individus et institutions. Là où la parole des usagers est fréquemment remise en question et délégitimée. Ce colloque étudiera principalement les démarches d’accompagnement dans leurs implications multiples, sur le plan scientifique et praxéologique. En quoi des dispositifs ou des méthodologies spécifiques en matière d’accompagnement, de médiation dans un but d’inclusion peuvent-elles être envisagées pour aller concrètement vers une société inclusive ? Dans le sillage des éthiques du care, qui éclairent bien l’ambivalence intrinsèque de ces démarches, quelles sont les implications pour les proches, mais aussi les professionnels, assignés à une posture d’accompagnement ? Comment peut-on mieux comprendre les effets sociaux mais aussi psychiques de ces situations ?

Sont concernées pour ce colloque, les problématiques d’inclusion au bénéfice des personnes en situation de handicap (dont les maladies chronicisées et potentiellement invalidantes), tout au long de leur parcours de vie, c’est-à-dire de l’école à l’insertion professionnelle. Ce colloque vise à croiser les regards, dans une perspective pluricatégorielle. En ce sens, les communications peuvent émaner de chercheurs, de professionnels de terrain (acteurs associatifs, travailleurs sociaux, professionnels de l’éducation et/ou de la santé). Les propositions de communications, de panels/symposiums ou d’ateliers sont les bienvenues. En particulier dans les axes 3 et 4 (cf. infra), des propositions s’éloignant du cadre académique classique sont tout à fait recevables.

Par ailleurs, l’apport de nouveaux outils et dispositifs innovants qui concourraient à une évolution inclusive des pratiques, des formations et des représentations est recherchés. Le partage des expériences de chacun nourrira les questions autour des problématiques susvisées qui s’inscrivent dans une démarche de co-construction.

Dans cet environnement communicationnel, quatre axes majeurs seront approfondis dans le cadre du colloque au sein desquels, les perspectives internationales et/ou comparatistes sont les bienvenues.

Axe 1 : (Historique/Conceptuel/épistémologique)
Contours conceptuels et historiques autour des notions d’accompagnement et de médiation.

Les concepts d’« accompagnement » et de « médiation » révèlent des significations plurielles selon les temporalités, les histoires, les cultures et sociétés dans lesquels elles se définissent, s’inscrivent et se verbalisent. Tantôt ils se confondent, tantôt ils se conjuguent ou se distinguent (Pineau, 1998, Paul, 2009 ; Faget, 2010). Les grilles de lecture sont dépendantes aussi des points de vue des disciplines scientifiques convoquées comme celles, plus professionnelles ou situées, de ceux qui les mobilisent au quotidien. Ce sont ces regards, conjugués au souci définitoire ainsi qu’aux significations et connotations associées, qui sont privilégiés ; les mots faisant les choses, il s’agit de mettre en tension et résonance des termes qui témoignent de règles, normes et valeurs intériorisées qui produisent des enjeux collectifs, pragmatiques et professionnels. Le détour par l’histoire, les épistémologies et les praxies locales, nationales et internationales seront autant d’atouts de connaissances et de savoirs au service de la reconnaissance formelle ou informelle des acteurs de l’accompagnement et de la médiation confrontés au plus près des altérités. Si juger c’est aussi comparer, l’effort comparatiste sur plusieurs niveaux sera apprécié : du local à l’international, du micro au macro.

Axe 2 : (Psychologie, Psychosociologie, Psychodynamique du travail, Sociologie)

Les tensions de l’accompagnement et de la médiation (en milieu professionnel et domestique)

De nombreux travaux en sociologie du travail social notamment ont mis en évidence que malgré ces intentions initiales, des processus complexes se mettent en œuvre. L’accompagnement, qui vise à veiller sur, engage bien souvent un travail de surveillance qui peut devenir extrêmement normatif. Comprendre ces enjeux est crucial pour aller vers un accompagnement inclusif. En quoi ces tensions se manifestent-elles dans l’accompagnement des personnes de situation de handicap ou gravement malades, et ce dans les différents contextes d’étude concernés ? En quoi les éthiques du care permettent-elles de penser ces situations, leurs effets sociaux comme psychiques ?

Ces tensions sont aussi des marqueurs sociaux des intersubjectivités qui se créent dans la relation à l’autre. L’empathie relationnelle et professionnelle, ciment des relations humaines et sociales, peut être ainsi questionnée. L’accompagnant comme le médiateur s’exerce à être capable de se mettre, sans confusion, à la place de l’autre ou des autres. Dès lors, le processus de l’empathie n’est pas du même ressort que celui de l’identification (relations interindividuelles circulaires comme identiques), en lien avec l’approche Rogérienne (Rogers et Kinget, 1966). Aussi, comment être efficace sans perdre son « capital d’écoute », sans s’épuiser dans cette distance si fragile à trouver et à (faire) reconnaitre ?

Les travaux portant sur l’accompagnement dans la sphère privée comme publique sont propices à leur exposition. Les propositions questionnant des enjeux de genre et/ou de racialisation seraient particulièrement utiles dans la perspective de nourrir cet axe.

Axe 3 : (Sciences de l’éducation, Pédagogie)

Construire une société inclusive. De l’école à l’université : quelles pédagogies sont adaptées ?

Changer de regard sur le handicap, aller vers une société inclusive, promouvoir un accompagnement pensé dans cet objectif suppose d’éduquer autrement et de s’orienter dans une éducabilité de l’autre en acceptant la non-réciprocité (Meirieu, 1991).  Aussi, les travaux proposés dans cet axe auront pour objectif soit :

- De creuser comment il est possible de déconstruire les regards des jeunes publics sur les situations de handicap (dont les maladies graves)

- De travailler la question de la formation à destination des futurs professionnels de l’accompagnement. Comment faire en sorte que les regards changent ? En quoi ce travail est important ?

- D’interroger comment l’ensemble de la communauté éducative et universitaire (camarades de classe, camarades de promotion universitaire, enseignants et professionnels de l’éducation) puisse faire évoluer son regard sur le handicap.

- De questionner les curriculums, les savoirs, connaissances et compétences scolaires au prisme des altérités. L’école est-elle l’école de tous pour tous (vers l’accessibilité universelle) ? Prépare-t-elle à entrer dans la vie professionnelle en tenant compte des singularités ? Ce qui soulèverait les phénomènes de désengagement, de décrochage si l’école s’éloigne de missions liées à l’inclusion sociale ? Les travaux en pédagogie critique et pédagogie de l’émancipation sont donc particulièrement les bienvenus.

Axe 4 : (Praxéologie, Méthodologie)

Quels dispositifs et quelles méthodologies de recherche sont adaptés pour favoriser et promouvoir l’accompagnement et la médiation ?

Les politiques éducatives se doivent d’être en phase avec les idéaux de citoyenneté et de dignité dans le contexte du XXIe siècle. Si tous les hommes/femmes naissent égaux en droit et en dignité, si l’école républicaine est ouverte à tous en visant un épanouissement individuel et collectif, ainsi que la construction d’un citoyen, dans les faits comment cela se traduit-il, notamment pour les personnes en situation de handicap/malades ? Si l’égalité et l’équité sont promues en France, si la loi du 11 février 2005 a été un levier face à l’altérité, les évaluations macro et comparatistes sur le plan international témoignent plutôt d’inégalités scolaires et d’un certain mal-être des élèves français. Si on veut réduire les inégalités, peut-on pour autant s’orienter vers le « principe de différence » (Rawls) qui accepte des inégalités si elles bénéficient à tous ? Doit-on penser l’école pour tous ou encore pour une minorité ?

Nous chercherons ici à mettre en évidence des dispositifs, des programmes socio-éducatifs et des projets innovants associés à des recherches pluri, inter-disciplinaires sur les altérités. Malgré l’impact des choix institutionnels surplombants (réformes, curriculum scolaire, …) sur les réussites scolaire et éducative, il existe sur le plan micro ou méso, des initiatives, des idées qui pourraient accompagner le changement, celui d’une école en accord avec ses enjeux d’inclusion sociale, de citoyenneté et de bien-devenir.

Á ce titre, les contributions interrogeront davantage :

- Quels dispositifs ont été réfléchis à l’école, dans les établissements du supérieur, au travail ?

- Quels changements de méthodologie de recherche sont nécessaires pour penser ces questions ?

- Quels dispositifs, quelles méthodologies hors de nos frontières ont été testés ?

Les retours sur des initiatives et expériences concrètes à divers échelons (local et comparaison international) sont encouragés.

Mots-clés : médiation ; accompagnement ; handicaps ; maladies ; inclusion scolaire/sociale ; dispositifs d’accompagnement/médiation ; politiques éducatives ; vulnérabilités scolaires ; co-construction ; persévérance scolaire/universitaire 

Les communications sélectionnées seront publiées dans un ouvrage scientifique ou dans une revue internationale reconnue en Sciences de l’éducation.

 

Les propositions de communication devront inclure une description détaillée de votre présentation (problématique, méthode, résultats, références bibliographiques, maximum 4 000 caractères au total).

 

 

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